Jérémy Rollin

Les insectes archéologiques des puits anciens : des bio-indicateurs de gestion des ressources agro-pastorales de La Tène finale à la fin de l’Antiquité.

Directeur(s) de thèse: Husi Philippe Roure-Horard Marie-Pierre

Au cours des siècles, les environnements techniques et les pratiques agropastorales traditionnelles des fermes et des villae ont modelé les paysages qui nous entourent et ont favorisé localement le développement d’une faune et d’une flore diversifiées. En archéologie, la fouille des puits révèle de précieux milieux humides, parfaits conservateurs des matériaux périssables, qui permettent de générer des études transversales et des bases de données très documentées. Les vestiges bioarchéologiques qui en sont issus sont en effet susceptibles d’éclairer d’une nouvelle manière le fonctionnement des sites et le comportement socioéconomique des communautés sur lesquelles les recherches sont prescrites et les avancées scientifiques attendues.
Parmi les différents restes d’animaux issus des puits, les assemblages d’insectes associés aux sédiments présentent la première caractéristique de demeurer en très bon état, car les conditions de conservation y sont optimales.
L’intérêt d’étudier les vestiges d’insectes concerne directement la façon dont s’est constitué le corpus. En effet, aucun insecte ne pouvant survivre durablement dans le puits lui-même, il s’agit pour partie, d’insectes peuplant l’environnement immédiat aux abords du puits et qui sont tombés accidentellement lors de leurs déplacements au sol ou au vol. De par leur diversité spécifique et leurs exigences écologiques, les insectes sont ainsi indirectement des révélateurs de la nature de l’environnement biotique et abiotique autour du site.
D’autre part, les espèces liées aux services écosystémiques et les synanthropes sont inféodés aux anthroposystèmes au cœur des espaces, des exploitations et des différentes activités humaines. Attirés par les ressources alimentaires, les excréments, les déchets, en décomposition, l’obscurité et l’humidité, ils informent sur la nature des milieux exploités, les plantes cultivées, le stockage des aliments, la proximité des élevages et les co-produits utilisés (déjections) et des lieux d’habitation ou encore la nature des rejets des pièces de bois d’œuvre.
Ainsi, les insectes préservés dans le puits seront utilisés comme un révélateur de tout un système agro-pastoral, en même temps qu’ils informeront localement sur l’évolution des aménagements autour des puits et de leurs aspects fonctionnels. En étudiants différents assemblages d’insectes issus de plusieurs sites de la période gauloise et de l’Antiquité, ils permettront de mettre en évidence les différences d’exploitation des milieux et des animaux d’élevage de La Tène finale à la fin de l’Antiquité. Les bornes chronologiques seront susceptibles d’évoluer un peu en fonction de l’enrichissement du corpus de sites déjà envisagé.
Les analyses archéoentomologiques se feront à partir du matériel déjà disponible extrait selon les protocoles adaptés, et issu de différents puits dont la stratigraphie a permis la conservation des vestiges. Les identifications réalisées par des méthodes taxonomiques (avec des collections de comparaison) et moléculaires (ADN) permettront de connaitre la constitution des assemblages et d’obtenir des indications aussi bien sur le milieu, le bétail, que les pratiques humaines. Ces données seront ensuite soumises à des traitements statistiques multi-proxies et multivariées qui intègreront l’ensemble des données bioarchéologiques disponibles (palynologie, carpologie, anthracologie, archéozoologie) afin de rechercher l’existence ou l’absence de corrélations. En parallèle, cela permettra d’affiner notre compréhension sur la manière dont les insectes nous informent sur l’organisation des pratiques agropastorales autour des puits.
Afin d’éclairer l’évolution récente des populations d’invertébrés en relation avec les activités et pratiques des sociétés humaines, des protocoles expérimentaux de comparaison seront réalisés avec des agrosystèmes actuels pour documenter les impacts des pratiques anciennes sur la biodiversité entomologique et ainsi contribuer à une meilleure compréhension de la valorisation des déchets agricoles et alimentaires contemporains.
Ces recherches s’appuient également sur de multiples collaborations avec les acteurs locaux agricoles et de l’archéologie dont la Cellule d’intervention sur les structures archéologiques profondes de l’INRAP (Institut Nationale de Recherches Archéologiques Préventives).
En considération de l’aspect pluridisciplinaire et de l’importance de ce sujet, cette thèse s’appuiera sur les larges compétences scientifiques des deux laboratoires. Elle s’inscrit en collaboration de l’axe 3 « Pratiques sociales et aires culturelles » du programme du Laboratoire Archéologie et Territoires (LAT) de l’UMR 7324 CITERES mais également dans l’axe transversal « Stratégies alimentaires et sanitaires pour demain » de l’Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI UMR 7261).

 Article du 1er mai 2022