Les métiers de l'archéologie au LAT
Les métiers de l'archéologie au LAT
Le Laboratoire Archéologie et Territoires est une des quatre équipes de l’UMR 7324 CITERES, une unité mixte de recherches interdisciplinaires. Le Lat, dirigé par Philippe Husi, regroupe des archéologues et des historiens, et réunit des chercheurs de plusieurs institutions de la région Centre-Val de Loire. Ces derniers exercent un éventail de métiers aux compétences très variées.
Les méthodes de prospection archéologique
La prospection archéologique met en œuvre des méthodes pour détecter des vestiges et mieux appréhender leur environnement. Ces méthodes sont complémentaires et précèdent dans certains cas les opérations de terrain (diagnostic, fouilles préventives ou programmées).
La prospection pédestre consiste en un ramassage d’objets archéologiques dit « mobilier » en surface à la suite des labours dans les champs. Les archéologues progressent suivant des lignes ou des carroyages de façon à repérer les objets collectés dans l’espace étudié. Ainsi des cartes de répartition spatiale par type de mobilier (céramique, terre cuite architecturale, métal, etc..) permet de localiser de potentiel site archéologique enfoui.
Les prospections géophysiques ont pour objectifs de mesurer les propriétés physiques d’un volume de sol à partir de différents procédés par injection de courant électrique ou impulsion d’ondes magnétiques, électromagnétiques (géoradar) ou élastiques (sismique) dans le sous-sol. Des anomalies sont cartographiées et peuvent être interprétées comme des vestiges anthropiques (fossés, fours, mur…) ou d’origine naturelle (paléochenaux).
Les prospections géotechniques sont dites ponctuelles. Il s’agit d’effectuer des sondages carottés à l’aide d’une tarière manuelle ou un carottier thermique. Les carottes prélevées permettent de caractériser la stratification du sol et de prélever des éléments à étudier ou à dater en laboratoire (pollens, graines, charbons de bois…) Des sondages au pénétromètre dynamique léger au PANDA® sont réalisés pour mesurer la compacité du sous-sol et détecter des couches stratigraphiques.
D’autres méthodes produisent des images et sont également exploitées comme la prospection aérienne à basse altitude ou les prospections au LIDAR.
Pour en savoir-plus :
Laurent-Dehecq 2019 : Utilisation du pénétromètre dynamique léger PANDA® pour la détection et la caractérisation des sols anthropiques en Région Centre-Val-de-Loire
Détecter et caractériser des paléochenaux à partir de sondages carottés, mécaniques et géotechniques.
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Amélie Laurent-Dehecq, ingénieure de recherche au CNRS
L’archéologie urbaine
L’archéologie urbaine propose d’étudier les villes sur la longue durée depuis leur création jusqu’aux périodes récentes. Elle met en œuvre l’ensemble des techniques et méthodes de fouille pour aborder des dépôts stratigraphiques complexes généralement de plusieurs mètres d’épaisseur et mobilise l’ensemble des autres sources conservées à partir du Moyen Âge. Pour les villes du nord de la Gaule, cela concerne essentiellement, mais pas exclusivement, les chefs-lieux de cité et les agglomérations secondaires mis en place après la conquête et également des villes nouvelles, petites ou non, créés plus récemment à partir d’un pôle religieux ou de défense. Les antécédents gaulois ou plus récents comme les contextes géomorphologiques sont également recherchés et documentés. L’archéologue se propose à partir de toutes ces données de saisir les processus complexes de la « fabrique urbaine » et d’identifier les interactions entre l’espace et la société sur le temps long. Tours est un cas d’école dans le domaine de l’archéologie urbaine car cette ville bénéficie depuis plus de 40 ans de travaux de recherche au sein du Laboratoire Archéologie et Territoires.
Anne-Marie Jouquand,
Ingénieure chargée de recherche à l’Inrap
Vue du chantier de la rue Gambetta à Tours © F. Champagne, Inrap
L’archéologie préhistorique
L’archéologie des sociétés préhistoriques porte sur une vaste échelle de temps qui recouvre plusieurs stades environnementaux et techniques, ainsi que plusieurs types d’humanité. L’archéologue préhistorien est souvent spécialisé sur un segment de temps au sein de ce large ensemble, car il y a peu en commun entre les premiers occupants de l’Europe paléolithique et les agriculteurs du Néolithique, par exemple.
Cependant, au-delà de ces différences, quelques traits communs unissent cette discipline. Ces sociétés ne pratiquant pas l’expression écrite, on reste privés d’une source importante – qu’elle soit directe (Histoire) ou indirecte (Protohistoire) – qui amplifie les autres clefs d’analyse. En parallèle, la conservation différentielle des vestiges, notamment organiques, et de leur distribution, est d’autant plus aléatoire qu’on empile les millénaires.
Pour interpréter des vestiges souvent plus complexes à décrypter que leurs homologues des périodes plus récentes, l’archéologue préhistorien fait donc appel à un large faisceau d’approches allant de la géologie du Quaternaire à la tracéologie des tranchants d’outils, de l’ethnoarchéologie à l’histoire de l’art, de la technologie comparée à l’expérimentation scientifique, etc. L’essor des méthodes d’étude du génome, il y a une dizaine d’années, et leur développement extraordinaire toujours en croissance aujourd’hui, amènent une lecture profondément renouvelée de l’arbre phylogénétique humain et des migrations. La fouille fine des niveaux d’occupation, quand ils ont bien conservé leur distribution – ce qui est moins rare qu’on pourrait le penser – permet même parfois de distinguer des comportements à l’échelle de l’instant, à travers les millénaires qui nous séparent.
Ainsi confrontée à un objet d’étude complexe, l’archéologie préhistorique reste constamment en mouvement au rythme du renouvellement des connaissances.
Michel Philippe,
Directeur du musée de Préhistoire du Grand-Pressigny
2,5 et 3D en archéologie
Depuis une dizaine d’années, les technologies 2,5 et 3D font partie de la boîte à outils de l’archéologue. La lasergrammétrie, la photogrammétrie et la RTI (Reflectance Transformation Imaging) sont ainsi différentes techniques employées pour le relevé et l’analyse d’objets archéologiques de nature et dimensions très diverses, qu’il s’agisse d’une pièce de monnaie ou d’un monument (bâtiment civil, église, château, etc.), voire d’un site dans sa totalité. Leur usage doit être considéré par rapport aux techniques d’investigation traditionnelles et toujours répondre à des problématiques de recherche ou de conservation (exhaustivité ou précision d’un relevé par exemple).
La RTI est employée pour les petits objets (pièces de monnaie, céramiques, inscriptions et graffitis) et consiste à prendre une série de clichés depuis un point fixe en faisant varier la source lumineuse suivant un protocole particulier. Un logiciel dédié permet, entre autres, de virtuellement faire varier l’éclairage, de sorte à mettre en évidence des micro-traces ou les inscriptions partiellement effacées par exemple.
La lasergrammétrie permet, à l’aide d’un scanner laser sur trépied ou porté à la main, d’obtenir un nuage de points qui constitue un véritable double numérique d’un objet, avec une précision millimétrique. La photogrammétrie permet également de créer un nuage de points tout aussi précis, à partir de photographies qui doivent être prises suivant un protocole spécifique à l’objet numérisé et au logiciel utilisé. Le nuage de points peut ensuite être maillé (les points sont reliés de sorte à former des triangles) et texturé (application de la couleur sur la surface créée). Les modèles 3D réalisés peuvent faire l’objet de traitement 3D pour mettre en évidence des reliefs par exemple ; des ortho-images (plans, coupes, élévations) peuvent aussi en être extraites pour servir d’illustrations ou de base à un dessin archéologique annoté.
Daniel Morleghem
La géoarchéologie
Nos ancêtres vivaient dans des environnements spécifiques et ont participé, avec la nature, à le modeler. Selon leur localisation à la surface du globe, dans la montagne ou dans la plaine, près d’une vallée ou sur un plateau, sous climat tempéré, semi-aride ou tropical, les populations passées ont connu des conditions de vies particulières. En développant leurs activités dans ces conditions, elles ont contribué à façonner un paysage original. La géoarchéologie a pour objet la mise en évidence de ce paysage à l’aide de méthodes et de techniques variées, dans le cadre de fouilles, de prospections ou bien d’études territoriales.
L’approche géomorphologique se fonde sur les cartes, Le LIDAR, les photographies aériennes et sur un important travail de terrain pour rechercher dans l’environnement actuel les traces des paysages du passé. En étudiant les formes du relief et les archives sédimentaires, qui enregistrent une partie de l’histoire environnementale des territoires, on cherche à produire l’image la plus précise possible des paysages du passé.
Jean-Baptiste Rigot
L’archéologie antique
L’archéologie des périodes historiques, spécialiste de l’Antiquité, étudie les sociétés qui entrent dans l’Histoire. Le spécialiste de l’Antiquité dispose donc de textes en plus des vestiges matériels qu’il met au jour lors de ses fouilles pour reconstituer l’histoire des sociétés humaines anciennes comme les civilisations grecque ou romaine. Souvent spécialisé dans une aire géographique et une ère chronologique, comme la Gaule romaine, il mobilise toutes les méthodes de l’archéologie et multiplie les approches pour mener ses recherches et aborder, par exemple, les réseaux de villes, les voies romaines, les établissements agricoles, les pratiques funéraires, la construction ou l’économie et l’artisanat. Pour cela, il travaille au quotidien à partir de fragments d’objets, de vestiges de bâtiments, d’images du sous-sol obtenues par prospection géophysique, dans un dialogue constant avec ses collègues spécialistes du mobilier ou du paléoenvironnement pour viser une histoire totale des sociétés mais aussi du paysage de l’Antiquité.
Florian Baret, Maître de conférences d’Archéologie antique
L’archéologie agraire
Dès le Néolithique, agriculture et élevage sont les activités économiques fondamentales de toutes les sociétés. Les paysans exploitent la terre, modèlent les paysages, aménagent les territoires. Ils labourent, ils plantent, ils creusent fosses et fossés, ils élèvent talus et digues, ils drainent ou irriguent, ils défrichent… Durant des millénaires, les hommes déplacent une quantité extraordinaire de matériaux, érodant le sol par ici, accumulant les sédiments par là. On détecte et on interprète aujourd’hui les vestiges de ces activités agraires, que ce soit en fouille ou par les photographies aériennes, les images satellitaires, les données LIDAR et les sources planimétriques. L’archéologie agraire permet de comprendre le fonctionnement de ces sociétés de laboureurs et d’éleveurs, la dynamique des réseaux viaires, le fonctionnement des champs, l’économie forestière, les paysages viticoles et les organisations pastorales du passé.
Samuel Leturcq
Archéozoologie
L’archéozoologue étudie les restes animaux issus des sites archéologiques : les ossements de mammifères, les arêtes de poissons, les coquilles de mollusques, les fragments d’insectes. Ces vestiges constituent une source d’information privilégiée pour accéder à l’histoire des sociétés humaines – tout au long de la Préhistoire et de l’Histoire – car les relations matérielles, économiques, sociales et symboliques avec le monde animal traduisent les comportements profonds des sociétés. Ils documentent aussi la co-évolution entre l’homme et son environnement, ou des changements du climat. L’étude de faune passe par différentes étapes techniques, combine sciences de l’homme, de la vie et de la terre, mais commence par une identification spécifique des espèces représentées dans l’ensemble faunique. Cette démarche nécessite de travailler au sein d’une collection de comparaison, une ostéothèque, telle celle présente à Tours.
Marie-Pierre Horard-Herbin
La photographie en archéologie
La photographie en archéologie couvre un vaste champ d’applications et de techniques (photo aérienne, proxi-photographie, photo de fouille, photo de collection …). De la vue d’ensemble au petit objet, elle est un outil documentaire, scientifique et de médiation culturelle. Mémoire de la fouille archéologique, elle fait partie intégrante des techniques de relevés. Elle permet également l’analyse d’objets en 3D grâce à la photogrammétrie.
Photo : Corinne scheid, Technicienne CNRS
L’archéologie de la construction en bois
L’archéologue spécialiste du bois s’intéresse aux architectures à poteaux plantés du Néolithique au haut Moyen Âge, et aux charpentes conservées en élévation (charpente de comble, pans de bois, beffrois…) pour les périodes médiévales, modernes et contemporaines. Elle aborde les questions liées au bois d’œuvre et aux ressources forestières (types d’arbres utilisés, sylviculture, approvisionnement…), aux techniques de charpenterie (chantier, taille des bois, marquages, outils, tracés d’épure, levage…) et à l’évolution des structures sur le temps long. Les méthodes d’approches sont les suivantes : archéologie du bâti, fouille, ethnographie, reconstruction expérimentale.
Photo : Frédéric Epaud, Directeur de recherche au CNRS
L’archéologie du Moyen Âge
L’archéologie des périodes historiques, qui inclut aujourd’hui non seulement le Moyen Âge mais aussi l’époque moderne et l’époque contemporaine, obéit aux mêmes règles que l’archéologie des périodes plus anciennes mais se distingue par l’utilisation d’autres sources, écrites, planimétriques et iconographiques, qui sont de plus en plus nombreuses au fil des siècles. A partir de l’Antiquité mais plus encore du Moyen Âge, en Europe du Nord-Ouest, l’archéologie porte non seulement sur des sites enfouis mais aussi sur des constructions en élévation de toute nature (lieux de culte, résidences aristocratiques, monastères etc.).
Photo : Elisabeth Lorans, Professeur d’Archéologie médiévale
La céramologie
C’est une spécialité de l’archéologie dont la vocation est l’étude de la poterie c’est-à-dire de la vaisselle en terre cuite retrouvée en très grande quantité dans les fouilles archéologiques. En effet, la richesse de cette source matérielle vient du fait qu’elle est indestructible, omniprésente dans les dépôts anthropiques, avec des changements typologiques rapides pour un produit courant de la vie domestique utilisé par tous. Le céramologue commence donc par construire une typologie en classant les nombreux tessons par groupe technique (production) et par forme de récipient, pour ensuite les enregistrer dans une base de données et dessiner et photographier les éléments les plus remarquables. Interroger d’importants corpus céramiques à partir d’une typologie établie permet déjà de dater les niveaux archéologiques donc de mieux appréhender la chronologie du site, puis de répondre à des questions historiques. Ces questions concernent les échanges (approvisionnement et diffusion) au travers d’un produit artisanal, le rang social des utilisateurs en observant la qualité des récipients, la transformation de la vaisselle au cours des siècles témoignant des changements d’habitudes de table (voir l’article sur la céramothèque de Tours, onglet ressources).
Photo : Philippe Husi, Ingénieur de recherche CNRS
L’anthropologie
L’anthropologue étudie les restes osseux humains découverts sur les sites archéologiques. L’os, de par sa composition, un alliage de matière minérale et organique, se conserve très longtemps dans le sol si la composition chimique du milieu s’y prête ce qui est généralement le cas en Touraine. Ce type de découvertes résulte de la constitution, par les populations du passé, de sépultures, c’est-à-dire de dépôts de corps de défunts dans un contexte de funérailles qui témoignent de l’attention porté par un groupe à ses morts. Les premiers témoignages de sépultures sont très anciens puisqu’ils remontent à 100 000 ans avant notre ère au Proche Orient et depuis cette date, deux grands modes de traitement des corps peuvent être identifiés : la crémation et l’inhumation.
Ainsi, l’anthropologie se déploie dans deux grands champ d’analyse : l’étude des pratiques funéraires d’une part et celle des restes osseux humains en tant que porteurs direct d’informations sur l’individu (sexe, âge au décès, état sanitaire…).
Le premier champ de l’analyse vise à restituer, le plus fidèlement possible, les gestes funéraires qui ont entourés les défunts, que ce soit au moment de la préparation du corps, au moment de la constitution de son sépulcre ou lors de la réouverture de celui-ci. En effet, deux grands types de dépôt des restes sont connus : le dépôt primaire lorsque le lieu initial de dépôt du défunt est sa sépulture définitive et le dépôt secondaire lorsque, après une phase de décharnement, les restes osseux sont déplacés (totalement ou partiellement) vers le lieu de la sépulture définitive.
Le deuxième champ d’analyse permet de rassembler de nombreuses informations sur le défunt. En premier lieu, son âge au décès et son sexe ce qui permet d’analyser le recrutement des ensembles funéraires fouillés : “Qui y accède ?”, “Toutes la population ou une sélection ?”. L’analyse des restes osseux documente aussi l’état sanitaires des individus : pathologies, indicateurs de retards de croissance ou de malnutrition, santé buccodentaire… Enfin, depuis quelques années les analyses physico-chimiques peuvent nous informer sur le régime alimentaire des populations du passé, leur mobilité au cours de la vie, leur patrimoine génétique.
Mathieu Gauthier
Structuration et publication des données
La structuration des données de la recherche archéologique aujourd’hui va bien au-delà de la seule modélisation à des fins de traitement de l’information. Les préconisations de nos tutelles nous encouragent en effet à nous orienter vers l’Open Science et à prévoir la publication des jeux de données sur le Web sémantique en suivant les principes FAIR (données Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables). Ainsi, il conviendra de suivre ces préceptes pour la publication des jeux de données, quelle que soit la solution technique retenue pour structurer ces données (base de données relationnelle ou formalisme XML). Le Consortium MASA (Mémoires des Archéologues et des Sites Archéologiques) œuvre à la diffusion de ces bonnes pratiques et accompagne les chercheurs vers l’Open Science.
Photo : Olivier Marlet, Ingénieur de Recherche CNRS