L’archéologie des sociétés préhistoriques porte sur une vaste échelle de temps qui recouvre plusieurs stades environnementaux et techniques, ainsi que plusieurs types d’humanité. L’archéologue préhistorien est souvent spécialisé sur un segment de temps au sein de ce large ensemble, car il y a peu en commun entre les premiers occupants de l’Europe paléolithique et les agriculteurs du Néolithique, par exemple.
Cependant, au-delà de ces différences, quelques traits communs unissent cette discipline. Ces sociétés ne pratiquant pas l’expression écrite, on reste privés d’une source importante – qu’elle soit directe (Histoire) ou indirecte (Protohistoire) – qui amplifie les autres clefs d’analyse. En parallèle, la conservation différentielle des vestiges, notamment organiques, et de leur distribution, est d’autant plus aléatoire qu’on empile les millénaires.
Pour interpréter des vestiges souvent plus complexes à décrypter que leurs homologues des périodes plus récentes, l’archéologue préhistorien fait donc appel à un large faisceau d’approches allant de la géologie du Quaternaire à la tracéologie des tranchants d’outils, de l’ethnoarchéologie à l’histoire de l’art, de la technologie comparée à l’expérimentation scientifique, etc. L’essor des méthodes d’étude du génome, il y a une dizaine d’années, et leur développement extraordinaire toujours en croissance aujourd’hui, amènent une lecture profondément renouvelée de l’arbre phylogénétique humain et des migrations. La fouille fine des niveaux d’occupation, quand ils ont bien conservé leur distribution – ce qui est moins rare qu’on pourrait le penser – permet même parfois de distinguer des comportements à l’échelle de l’instant, à travers les millénaires qui nous séparent.
Ainsi confrontée à un objet d’étude complexe, l’archéologie préhistorique reste constamment en mouvement au rythme du renouvellement des connaissances.
Michel Philippe,
Directeur du musée de Préhistoire du Grand-Pressigny